Depuis le printemps dernier, l’écosystème blockchain attend fébrilement la mise à jour The Merge grâce à laquelle Ethereum passera définitivement à l’ère du Proof of Stake. Alors beaucoup de personnes se focalisent sur le prix de l’ETH et un possible fork continuant à utiliser le PoW, on oublie que cette mise à jour sera le premier pas vers l’avènement des layers 2 et le début de la guerre des layers 2. Tout en restant attaché au mécanisme financier, le marché crypto a toujours eu besoin de certaines narratives pour donner du sens à ce qui s’y joue, celle des layers 2 sera sans doute un des incontournables des prochains mois.
Pour tous ceux qui veulent comprendre plus clairement la problématique des layers, lisez notre article consacré à ce sujet.
De Polygon au règne des rollups
Le plus célèbre layer 2 d’Ethereum est sans nul doute Polygon, anciennement connu sous le nom de Matic Network jusqu’au début 2021. Polygon est un ensemble de solutions qui ont pour objectif de résoudre les problèmes de scalabilité et de frais de transactions du réseau Ethereum. Parmi elles, la sidechain en PoS compatible avec l’Ethereum Virtual Machine forme le centre du réseau Polygon. Elle a eu son heure de gloire en 2021 lors de l’explosion de la DeFi. Alors qu’il y avait encore très peu de blockchains avec smart contracts disponibles, Polygon est entré quelque temps dans le trio de tête avec Ethereum et la Binance Smart Chain (depuis renommée BNB Chain). Ce succès a permis à la cryptomonnaie MATIC de connaître une ascension fulgurante, passant de 0,025 dollars en janvier 2021 à plus de 2,8 dollars en décembre 2021.
Tout en restant le layer 2 le plus utilisé et avec la monnaie la plus capitalisée, Polygon est devenu un layer 2 “vieillissant” et l’arrivée de ses prochaines mises à jour qui devrait introduire une modularité plus grande afin de pouvoir utiliser les nouvelles solutions utilisées par les layers 2. Cependant, Polygon a pris aussi le temps de diminuer au maximum sa consommation d’énergie pour devenir une blockchain au bilan carbone neutre en finançant des actions en faveur de l’environnement (reforestation etc…). Ce souci écologique sera sans doute un enjeu grandissant dans l’écosystème blockchain.
Depuis l’été 2021, de nouveaux layers 2 sont disponibles et ont l’ambition de remplacer Polygon. Parmi eux Arbitrum et Optimism, deux layers 2 utilisant les optimistic rollups, ont réussi à attirer un grand nombre de protocoles. La technologie des rollups permet de “valider” un grand nombre de transactions à la fois et donc de gagner grandement en scalabilité. Cette technologie est au cœur de la narrative layer 2 qui commence à s’installer.
Les rollups, l’arme central de la guerre des L2
Une grande partie des layers 2 qui ont monté en puissance pendant l’année 2021 et ces derniers mois utilise la technologie des rolllups. Pour comprendre celle-ci, il faut avoir conscience que les layers 2 sont dépendants du layer 1 Ethereum au niveau de la sécurité. Les dépôts et retraits sont inscrits sur le layer 1 mais les opérations peuvent se faire off chain à condition de respecter certaines règles pour être validées. Les rollups est une solution dite hybride car ils déplacent le calcul hors chaîne tout en conservant certaines données des transactions sur le layer 1 tout en les compressant (ce qui diminue la consommation de gas). Chaque rollup est représenté sur la chaîne par un smart contract qui indique au moment de sa création l’état racine du rollup. Il sert de base pour assurer la validité des états suivants. Il existe principalement deux types de solutions utilisant les rollups: les optimistic rollups et les zk rollups.
Ce sont les optimistic rollups qui ont connu en premier leur heure de gloire puisque c’est la solution utilisée par Arbitrum, Optimism, Boba et MetisDAO. Les optimistic rollups n’utilisent pas de preuve cryptographique pour l’écriture du nouvel état. Si au bout de 7 jours cet état n’est pas contesté, il est définitivement inscrit sur le layer 1. C’est ce qui explique ce temps de latence très long pour faire des retraits du layer 2 vers le layer 1. Ces rollups sont dits optimistes puisqu’ils supposent dans un premier temps que l’état du layer 2 n’est pas frauduleux et suppose qu’il y a au moins la majorité de validateurs honnêtes pour qu’une transaction frauduleuses ne soient pas acceptées.
Afin d’éviter ce temps de latence et de dépasser cette faiblesse au niveau de la sécurité, les zk rollups sont de plus en plus développés, en particulier par Zksync, Starknet et Scroll. Dans les zkrollups, les relayeurs collectent les données des transactions et ensuite créent une preuve SNARK qui symbolise la différence entre l’état initial et l’état final du réseau, c’est pourquoi il s’agit d’une preuve à divulgation nulle, seule compte la différence entre deux états sans avoir besoin d’indiquer chaque transaction. Les relayeurs doivent mettre un dépôt en collatéral afin de garantir sa bonne fois. Les zk rollups permettent un passage quasi immédiat entre le layer 2 et le layer 1. Au niveau frais, les zkrollups consomment plus par lot mais ont des coûts beaucoup moins élevés par transaction, l’enjeu sera donc de mettre le maximum de transactions par lot.
Je laisse de côté les Plasma, une autre solution de mise à l’échelle qui ne met que les retraits et dépôts sur le layer 1. Cette solution plus radicale utilisée par OMG Network mais aussi développée par Polygon pose plus de problèmes de sécurité.
Quelques cas à part
Parmi tous ses layers 2, il faut noter quelques cas particuliers qui se démarquent moins par une technologie de mise à l’échelle que par un thématique précise. On peut noter par exemple Immutable X, qui est spécialisé dans le marché des NFT. Immutable X utilise la technologie des zkrollups développée par l’entreprise StarkWare qui est aussi à l’origine du layer 2 Starknet. Après avoir fondé le jeu Gods Unchained, la société Immutable a conclu des partenariats avec Ecomi et Gamestop. Sa marketplace a ainsi réussi à supplanter Solana pour atteindre la deuxième place en volume de vente de NFT.

Utilisant aussi les zkrollups de StarkWare, Myria vient de lancer son layer 2 dans un domaine proche d’Immutable puisque Myria sera spécialisé dans le gaming. Myria propose un SDK afin de faciliter le travail des développeurs qui veulent créer des jeux on chain. Cette solution pour développer le gaming dans l’écosystème blockchain est aussi présent sur Polkadot avec le projet Ajuna et bientôt sur Avalanche avec Janus Network, qui sera un des prochains subnets.
Autre projet utilisant les zkrollups, Loopring est une des premières solutions de mise à l’échelle L2 avec Polygon. Loopring est essentiellement un DEX avec order book mais le projet propose aussi un ensemble de solution que les développeurs utilisent sa technologie. Malgré un rallye haussier du token LRC à l’automne 2021, ce layer 2 reste marginal.V
Vu le nombre de projets qui utilisent les zkrollups développé par StarkWare, nous ne pouvions pas passer à côté de StarkNet, le layer 2 développé par cette société. En plus de sa scalabilité et des frais de transactions réduits inhérents aux zkrollups, StarkNet fait un pari audacieux en utilisant son propre langage, CAIRO, un langage qui permet d’intégrer les preuves SNARKs et permet ainsi de diminuer les dépenses de gas. Ce langage séduit beaucoup de jeunes développeurs de l’écosystème blockchain et beaucoup de projets se développent déjà en testnet alors que le mainnet n’est pas encore opérationnel. (nous consacrerons un prochain article à un tour d’horizon des projets à suivre sur StarkNet).
Enfin, on peut mentionner aussi Gnosis Chain, anciennement xDAI, qui est une side chain d’Ethereum. Connue par son stablecoin xDAI, qui est adossé au DAI, ce layer 2 a été très utilisée pour les POAP qui sont en quelque sorte des NFT qui attestent la présence à des événements ou des activités. Ils participent à la création d’une identité décentralisée et sont la préfiguration des soulbound tokens qui sera un des enjeux des années à venir.
Une guerre croissante pour attirer la liquidité

Alors que la guerre des layers 2 commence à peine, les projets déjà opérationnels se sont déjà positionnés pour attirer utilisateurs et liquidités. Le tableau de Defilama montre ainsi que trois layers 2 sont dans le top 10 des blockchains si on prend en compte la TVL présente sur leur réseau: Polygon, Arbitrum et Optimism. On retrouve ensuite Gnosis en 19ème position et MetisDAO en 33ème position.
Depuis son lancement durant l’été 2021, Arbitrum a réussi à attirer plus d’une centaine de projets. Évidemment les plus importants protocoles de Ethereum (Aave, Uniswap, Curve) mais aussi des projets qui lui sont propres comme GMX (même s’il est aussi présent sur Avalanche), qui est une plateforme de trading décentralisée et le plus gros protocole sur Arbitrum. Lancé cet été, le protocole de lending Radiant, qui utilisera la solution crosschain de Stargate, est devenu le deuxième protocole natif le plus important. En lançant en juin Arbitrum Odyssey, une série d’activités hebdomadaires pour faire découvrir le réseau, Arbitrum espère attirer de nouveaux utilisateurs. Ce programme a dû être stoppé en juillet et on attend tous sa reprise depuis le passage de Arbitrum à la mise à jour Nitro fin août. Bien sûr, le lancement possible de son token de gouvernance et un airdrop pour les premiers utilisateurs font aussi partie des sujets à suivre en cette rentrée.
Du côté d’Optimism, le token de gouvernance OP et son airdrop sont déjà passés. Pour l’instant le token fait un beau parcours et est au seuil du top 100. Optimism a fait des partenariats avec plusieurs protocoles de son réseau pour distribuer son token aux premiers utilisateurs. Pour l’instant, c’est Aave qui a réussi à attirer une grande partie de la liquidité sur ce réseau mais on peut noter la présence en deuxième position de Synthetix qui permet de trader des actifs synthétiques (FIAT, matières premières, actions…) et en troisième de position de Velodrome, un DEX construit sur le modèle de Solidly sur Fantom. Arbitrum et Optimism construise des écosystèmes clairement orientés vers la DeFi même si Arbitrum, avec le lancement de son réseau Arbitrum Nova, veut aussi se faire une place dans le gaming et les NFT.
Enfin, MetisDAO, longtemps resté en arrière après un rallye haussier cet automne, a lancé deux programmes d’investissement: Genesi DAC avec un fond de 100 millions de dollars pour les applications, et Metis Marathon, un programme communautaire de 26 semaines. En fait, l’originalité de Metis est de se tourner aussi du côté du monde professionnel. Avec Reputation Power, MetisDAO a développé une solution utilisant les NFT pour créer des identités décentralisées qui peuvent servir quasiment de CV on chain avant d’utiliser à terme les soulbound tokens. Du côté des entreprises, le réseau offre une série d’outils pour installer entièrement son fonctionnement on chain. Il sera donc intéressant de voir si ce choix permettra à adoption plus importante de ce réseau.
Alors qu’on a longtemps pensé que les différentes mises à jour qui mèneront Ethereum jusqu’au sharding rendraient les layers 2 inutiles, on sait maintenant qu’il n’en sera pas possible. Le gain en scalabilité d’Ethereum dans les prochaines se répercutera sur les layers 2 qui atteindront alors des vitesses impressionnantes. Aucune concurrence entre le layer 1 Ethereum et ses layers 2, leurs destins sont liés. Il n’en est pas de même entre les layers 2 et la guerre qui s’annonce entre eux pour attirer projet et liquidité s’annonce féroce. Même si Polygon a ici été peu cité, il sera dur de lui ravir sa place, d’autant plus qu’il ne cesse de mettre en place des partenariats avec de très grande marque (Disney pour ne citer qu’un des derniers partenariats) et d’attirer des projets importants (comme Sandbox qui a migré ses lands sur ce layer 2).
2 réflexions sur “Derrière la mise à jour The Merge d’Ethereum, la guerre des layers 2 arrive !”