Depuis, le lancement des premières parachains sur Kusama durant l’été 2021, l’écosystème Polkadot (dit Dotsama pour réunir les deux aspects de cet univers) se construit à contre-courant des autres. Alors que la réussite des autres blockchains dépend souvent d’un écosystème DeFi, NFT ou gaming, rien de tel n’est vraiment mis en avant sur Polkadot. Bien sûr il existe de la DeFi, mais pour l’instant elle est plus active sur les dapps des parachains EVM comme Moonbeam ou Astar que sur les applications natives des autres parachains. Au contraire, depuis les problèmes rencontrés par Acala, ce domaine semble être à la peine.
Même si le monde des NFT connaît de beaux projets (RMRK, Moonsama…), il reste peu connu en dehors de l’écosystème Polkadot. Enfin, le gaming démarre à peine, même si on peut noter le développement de Everloot et de Ajuna dans ce domaine.
Alors que reste-t-il ? Sans doute des projets qui suscitent moins de hype mais qui sont peut-être plus essentiels pour l’économie du futur. En fait, beaucoup de projets d’infrastructures se développent. Et c’est souvent ce qui fait croire que rien ne s’y passe.
On peut distinguer dans certains de ces projets la mise en place d’une économie des data.
Le but ici n’est pas de décrire en détail chaque projet. Mais de comprendre l’espace qu’ils configurent entre cloud, supply chain et internet des objets
Pour ce premier article sur l’économie des data je m’intéresserai uniquement au domaine de l’internet des objets qui est représenté par quatre projets: Robonomics, Data Highway, Peaq et Nodle. Il est donc devenu un des éléments essentiels de l’écosystème Polkadot. C’est un marché au potentiel énorme puisqu’on estime que 30 milliards d’appareils pourraient être connectés d’ici 2025. Malheureusement, la centralisation des infrastructures de l’IoT nuisent à la fois à la confidentialité des données des utilisateurs et une distribution équitable des revenus de cette économie. Dans le marché crypto, les deux projets les plus connus dans l’internet des objets sont Iota et Iotex. Pourtant, la plupart des projets que se développent sur Polkadot sont assez anciens et ont choisi de migrer sur Polkadot à la fois pour gagner en indépendance et parce qu’ils ont besoin de l’interopérabilité offerte par Polkadot.
Robonomics
Robonomics est un projet qui remonte à 2015 et qui a pour but de réunir la cybernétique et l’économie. En fait, le projet de Robonomics est un projet hybride entre Ethereum et Polkadot. Sur Ethereum, il s’agit d’un protocole techno-économique de communication entre les machines et sur Polkadot une plateforme IoT utilisant un cloud. La migration complète
Robonomics se propose trois tâches pour mettre en place une marché de l’internet des objets:
- administrer des appareils IoT en utilisant un cloud décentralisé
- effectuer des transactions techniques et économiques entre les individus et les machines
- mettre en place des applications IoT sans serveur pour les utilisateurs
Pour réaliser ces tâches, Robonomics doit mettre en place une architecture mettant en relation une interface pour les utilisateurs, un protocole de communication et une interface pour les machines.
Afin de passer de l’interface utilisateur aux machines, Robonomics a mis en place un digital twin de ces machines qui permet d’obtenir un contrôle de la machine puis d’obtenir des datas liées à son utilisation.
Robonomics propose déjà un certain nombre d’applications pour configurer cet Internet des Objets. Il est ainsi possible de configurer un Raspberry Pi pour contrôler une machine mais aussi d’utiliser leur application pour contrôler des objets connectés comme des ampoules, un télescope ou récupérer des datas. Enfin Robonomics a mis en place une académie pour apprendre à contrôler les objets connectés.
Le XRT est le token de gouvernance de Robonomics, il sert à payer les frais de transactions ainsi qu’à utiliser les services d’IoT.
DataHighway
Le but de DataHigway est de construire une économie des data obtenues à partir des objets connectés. Il fait partie de LoRa Alliance qui est une fondation non-lucrative qui a pour but d’étendre le réseau de l’internet des objets. Dès son début en 2020, DataHighway a choisi le framework Substrate pour construire son réseau.
Le projet Data Highway se distingue des autres projets de la même catégorie par un haut niveau de décentralisation (fonctionnement en DAO, totalité des tokens distribuée aux nodes) et d’interopérabilité (interchain data market intégrant MXC Network, IOTA, SteamR, Waltanchain et Mobius).
Data Highway se sert des réseaux LPWAN déjà existant (Lorawan, Lora) pour incentiver la création des nodes qui permettra d’assurer ce réseau d’itinérance et de récupération des data et être la condition d’une économie de ces data.
Le processus d’incentivation est assez complexe et à pour but à la fois de récompenser les contributeurs du réseau, d’optimiser les transmissions des data et de vérifier le comportement des data providers afin d’éviter les acteurs malveillants.
Les tokens DHX peuvent être utilisés pour avoir accès à l’itinérance (roaming) sur le réseau LPWAN, pour acheter les NFT sur la future marketplace des datas et enfin à participer à la gouvernance de DataHighway. Les data seront vendues sous forme de NFT et sont regroupées dans quatre catégories: Status Data, Automation Data, Environnement Data et enfin des données générées par l’AI.
Peaq
Le projet Peaq, qui s’est formé en 2017, se caractérise par la mise en avant du caractère économique de l’internet des objets. En fait, on peut considérer que peaq tente une synthèse entre Robonomics et DataHighway dans le sens où ce projet propose à la fois une interface pour interagir avec des objets connectés (machine) et une monétisation des data.
Le modèle économique de Peaq s’appelle The Loop.
Chaque stakeholder fournit de la liquidité pour minter un Machine NFT. Ce NFT représente l’investissement mis dans une pool d’objets connectés. En étant utilisées par des clients, ces machines vont générer des revenus qui seront réinvestis dans la finance décentralisée. Enfin les rendements obtenus seront redistribués aux stakeholders et aux validateurs. Les holders des Machines NFT pourront de plus voter régulièrement pour décider à quelles machines les fonds d’investissement seront alloués.
Pour faire fonctionner cette économie, Peaq a construit une économie en 4 étages. Le réseau est permissionless, ce qui permet aux équipes de construire librement des applications d’EoT soit en utilisant l’EVM soit Ink!
Cependant, Peaq propose nativement Peaq Console et Peaq App. Peaq Console permet d’utiliser un Raspberry Pi pour contrôler une machine. Il sera possible ensuite soit de collecter des datas venant de cette machine soit d’utiliser cette machine via une dApp. Peaq App est l’application de gouvernance du réseau. Elle permet de voter pour les machines qui seront intégrées à l’EoT mais aussi pour l’évolution du réseau lui-même. Les stakers reçoivent aussi une partie des revenus du réseau. De plus, Peaq travaille sur la mise en place de Peaq ID qui permettra de donner une identité décentralisée aux machines et ainsi optimiser les relations machine-to-machine ou machine-to-person.
Le $PEAQ sert à payer les transactions, à récompenser les validateurs, à apporter de la liquidité dans l’écosystème Peaq, à minter les Machine NFT et à redistribuer les revenus aux contributeurs.
Nodle
Autre projet autour des objets connectés, Nodle a pour ambition de construire le plus grand réseau d’objets connectés au monde. Pour arriver à ce but, Nodle veut utiliser des objets connectés à internet comme les smartphones pour créer un réseau décentralisé peu énergivore et peu coûteux. Dans un premier temps, le réseau va surtout utiliser le bluetooth avant d’utiliser d’autres types de réseau.
Pour l’instant, Nodle a mis en place une application et un SDK. L’application peut être installée sur un smartphone afin que celui-ci devienne un relais du réseau Nodle, il permettra de communiquer avec les objets connectés qui se trouvent à proximité. Seule la géolocalisation et l’adresse MAC sont récupérés.Plus il y aura de smartphones connectés au réseau, plus celui-ci sera dense et permettra des interactions efficaces et à grandes distances.
Le Nodle SDK permettra aux différents clients de Nodle d’utiliser le réseau pour construire des applications utilisant les objets connectés. Les usages sont quasi illimités: tracking, smart cities, réseau de secours pour les endroits à faible couverture, preuve de localisation, mesure de densité de la localisation…
Le $NODL a les fonctions classiques de moyen de paiements pour l’utilisation du réseau, frais de transactions, gouvernance, création de smart-contract.
BILAN
Quatre projets d’IoT mais qui ont des orientations très différentes. Si nous essayons de les regrouper, il faut distinguer 3 catégories dans l’Internet des Objets:
- La construction d’un réseau des transmissions des data (DataHighway, Nodle)
- Le contrôle d’objets connectés (Robonomics et Peaq)
- La monetisation des data (DataHighway)
De plus, Peaq et Nodle permettent aux projets tiers d’utiliser leur réseau pour construire des applications qui utiliseront les objets connectés alors que Robonomics et DataHighway développent eux-mêmes leur écosystème pour l’instant.
Enfin, Robonomics, Peaq et Nodle sont des projets déjà anciens qui sont venus dans un second temps dans l’écosystème Polkadot, ce qui montre que le framework Substrate est considéré comme de plus en plus pertinent pour les projets d’infrastructure qui ont besoin à la fois d’une autonomie dans la construction de leur réseau et de l’interopérabilité offerte par l’écosystème Polkadot. Tous ces projets sont encore en construction mais leur arrivée en tant que parachains est une étape importante pour l’élaboration des cette économie des data.
2 réflexions sur “L’économie des datas dans l’écosystème Polkadot: le cas de l’internet des objets”