Comme vous le savez sans doute si vous suivez mes articles, j’ai un avis plus que réservé sur le “web3”, cette nouvelle étape du web rendue possible par les blockchains et les cryptomonnaies. Qu’est-ce que le web3 ? Le web3 c’est un réseau internet enfin décentralisé. Mais cette décentralisation prend plusieurs formes. Elle peut signifier décentralisation de l’infrastructure (validation des blocs, hébergement…), décentralisation de la gouvernance ou décentralisation de la propriété. On dit en effet souvent que le web1 a été l’ère de la lecture, le web2 celui de l’écriture et que le web3 sera celui de la propriété (ownership), de la réappropriation de nos données personnelles. La baisse de l’activité dans les communautés cryptos (sur les groupes Telegram, Discord et sur Twitter) me laisse perplexe. Bien sûr, la plupart de ceux qui s’intéressent maintenant aux cryptomonnaies s’y intéressent pour gagner de l’argent avec. Les vrais utilisateurs viendront après, s’ils viennent. Mais je suis de moins en moins sûr que nous allons dans la bonne direction.

Retour sur l’uberisation que nous prépare le web3

J’ai déjà parlé dans un précédent article de cette ubérisation. Nous assistons à une véritable tokenisation des activités: jouer, créer ou liker un post, créer ou regarder une vidéo, toutes ses activités permettent de faire circuler des tokens. En un sens, cela n’ajoute rien de nouveau au web2. Sauf que ces tokens peuvent avoir un équivalent dollar. Par conséquent, qu’on soit créateur ou utilisateur, nous allons donner notre temps pour être rémunéré. Nous donnons tous des auto-entrepreneurs dans chaque activité. Cela ne serait pas grave si n’apparaissait pas rapidement la tentation de s’enrichir. Les Play-to-Earn des années 2020-2019. Le gameplay de Axie Infinity ou de Thetan Arena était quasi inexistant mais l’appât du gain conduisait tous les joueurs à y consacrer de nombreuses heures. Le plaisir de revenir régulièrement sur ce jeu ou de faire partie d’une communauté peut aussi être là mais il faut avouer qu’il n’était pas prioritaire.

De plus, il faut que les projets web3 aient un modèle économique viable. Or en dehors des projets DeFi qui récupèrent les fees des transactions ou gaming qui vendent des NFT comme droit d’accès au jeu, le web nous a habitués à une gratuité que nous aurons du mal à abandonner même en échange d’une juste redistribution des revenus du projet. Les applications gratuites du web2 génèrent des revenus grâce à la publicité. Pour l’instant, ce modèle n’est pas intégré au web3. La question devra se poser quand le nombre d’utilisateurs des applications web3 sera assez grand pour intéresser les agences de marketing. Quand cela arrivera, il faudra observer les potentiels effets pervers engendrés par la redistribution des revenus.

Le web2 a-t-il besoin du web3 ?

Web3 est souvent considéré comme l’avenir du web. Mais on oublie souvent ce qu’a apporté le web2. Le passage de l’ère de la lecture à celui de l’écriture a mis l’interactivité au centre du web. Facebook, Twitter, Instagram, Discord, Ebay font partie des grandes applications du web2 et ont créé une rupture par rapport au web1. Au contraire, le web3 n’a pas apporté de nouveautés par rapport au web3. Même si l’écosystème construit autour de Lens Protocol ou le métavers The Sandbox attirent de plus en plus d’utilisateurs, ils ne proposent pas un modèle d’application différent de celui du web2.

Je suis conscient que toutes ses applications ouvrent la voie à une meilleure rémunération des créateurs et à un rapprochement entre ces derniers et leur communauté sans l’intermédiaire des plateformes centralisées. C’est ce vers quoi veut tendre par exemple XCAD Network Mais à nouveau il faut attendre que les créateurs et utilisateurs arrivent massivement sur ces plateformes et qu’elles soient beaucoup plus agréable à utiliser, l’expérience du web3 étant encore trop réservée à des utilisateurs aguerris. Ces nouveautés sont possibles par la vertu de la décentralisation rendues possibles par la technologie blockchain.

 

La décentralisation, le saint-graal du web3 ?

Le web3 met très souvent en avant la décentralisation qu’elle permet. Que ce soit par la possession de tokens ou de NFT, une communauté peut prendre part à la gouvernance d’un projet. Cette gouvernance décentralisée peut avoir plus importante. Elle peut devenir le centre du projet s’il prend la forme d’une DAO. Mais il faut avouer que même si les DAO permettent de transformer radicalement les formes de gouvernances, elles n’intéressent encore que très peu de personnes. Souvent perverties par les plus gros wallets, elles n’ont pas encore réussi à intéresser leur communauté en dehors des gains potentiels qui peuvent être obtenus par une participation active. 

Les différents scandales liés aux échanges centralisés (ou même la faillite des banques)  ont montré la nécessité d’une transparence accrue dans les prises de décision et le transfert de fonds. Ils ont montré les bienfaits de la finance décentralisée. Peut-être qu’on s’est trompé en pensant qu’il fallait en faire immédiatement la charte des applications web de demain. Cette transparence sera toujours secondaire en comparaison de l’utilité, de la simplicité et de l’adoption pour les utilisateurs. Mais elle peut devenir un moteur de transformation dans le monde du travail et on peut voir que certains écosystèmes comme celui de Polkadot s’orientent de plus en plus vers le monde de l’entreprise (comme nous l’avons vu dans notre article sur l’internet des objets). Peut-être est-ce finalement la voie qu’il faut emprunter, faire adopter la technologie blockchain par les entreprises pour ensuite arriver aux utilisateurs finaux. 

Ralenti par les remous du marché crypto, le web3 peine encore à démontrer son utilité. En fait, il n’y aura sans doute pas un web3 mais plusieurs. Un web3 prônant les vertus de la tokenisation à outrance et de l’uberisation, un autre œuvrant pour la décentralisation et la transparence. La finance décentralisée arrivera sans doute à concilier les deux, si les régulateurs financiers lui en laissent la possibilité. Cela sera moins simple pour les autres parties du web3.